Les bâtisseurs de Stonehenge et la Lune – 3ème partie

Une Lune pas si invisible que ça

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Une réponse à la question soulevée dans la partie précédente pourrait être la suivante…

Au cours des mois qui suivent et surtout qui précèdent le solstice d’hiver à la station minimum, la lucarne intercepte également la Lune au cours de sa descente. Tous les 27,3 jours environ, durée que met la Lune pour revenir à la même position par rapport aux étoiles, elle se présente dans la lucarne mais avec un visage différent. En effet la période synodique, c’est-à-dire la durée entre deux pleines Lunes par exemple (durée qu’on appelle également lunaison) est d’environ 29,5 jours. Cela est dû au fait que la Terre tourne autour du Soleil si bien que lorsque la Lune revient à sa position initiale par rapport aux étoiles 27,3 jours après, elle n’est plus dans la même configuration par rapport au Soleil (Schéma 5).

Mouvement de la Lune sur un mois. Période sidérale et synodique
Schéma 5 : mouvement de la Lune sur son orbite au cours d’une lunaison (le repère sur la trajectoire de la Lune en pointillés marque la position de la Lune au jour 1)

Phase de la Lune
Schéma 6 : Phase de la Lune au cours de son mouvement autour de la Terre (une belle animation sur wikipedia)  

Ainsi à chaque descente de la Lune dans la lucarne, elle sera éclairée de manière différente. Les 12-13 mois qui précèdent le solstice d’hiver la lucarne interceptera la Lune dans une phase allant successivement de son dernier à son premier croissant en passant par le deuxième quart à l’équinoxe de printemps, par la pleine Lune au solstice d’été, et par le premier quart à l’équinoxe d’automne. Notez qu’on se retrouve tous les 27,3 jours dans la lucarne avec une Lune qui présentera successivement les différentes phases lunaires qui sont observables jour après jour au cours du mois mais en mode inversé (Schéma 7). C’est ainsi que la nouvelle Lune au solstice d’hiver (J0 dans le schéma suivant) sera annoncée non pas par le dernier mais par le premier croissant 27,3 jours environ avant cette date. Les architectes de Stonehenge ont pu faire ainsi abstraction de la position de la nouvelle Lune au jour le plus court de l’année.

La Lune tous les mois au cours de l'année
Phases lunaires avant le solstice d'hiver à l'échelle du mois et de l'année
Schéma 7 : En haut représentation du mouvement de la Terre autour du Soleil sur un an tous les N=27,3 jours environ pour la même position de la Lune sur son orbite. Sur la partie du bas sont représentées les phases de la Lune correspondantes telles qu’interceptées par la « lucarne » de Stonehenge au cours des mois qui précèdent le solstice d’hivers (en bas) en comparaison avec le cycle lunaire au cours du mois (en haut).

Il est peu probable qu’un alignement « luni-solaire » de Stonehenge soit le fruit du hasard à plus forte raison lorsqu’il se produit à ce moment clef de l’année. Le caractère binaire de la structure aurait par ailleurs fonctionné avec d’autres orientations, par exemple plus au sud pour correspondre avec les couchers du soleil et de la Lune à la station maximum au solstice d’hiver. Par contre dans ce cas la trajectoire de la Lune se situe en-dessous de celle du Soleil et c’est la porte qui aurait dû être utilisée pour intercepter la Lune descendante et la lucarne le Soleil. En orientant la structure vers le nord-ouest sur le coucher du soleil au solstice d’été on se retrouverait avec le cas symétrique car à la station minimum la trajectoire de la Lune passe sous celle du Soleil et c’est à la station maximum qu’elle est au-dessus. Autre différence dans ce dernier cas, c’est donc en été que la Lune interceptée est nouvelle. D’autres combinaisons pourraient prendre place de manière similaire en orientant la structure sur les positions du lever du Soleil et de la Lune à l’Est, en l’orientant vers le Sud pour le Solstice d’hiver et vers le Nord pour le solstice d’été.[Sims L., 2006, The ‘Solarization’ of the Moon] Les bâtisseurs de Stonehenge avaient ainsi 8 possibilités en tout pour orienter Stonehenge dans cette configuration binaire, mais celle qu’ils ont choisie correspond à la configuration qui permettait d’intercepter la Lune lorsqu’elle est nouvelle, à son coucher, pour la nuit la plus longue de l’année, et dans une disposition où elle passe sur une trajectoire qui domine celle du coucher du soleil. Il semblerait bien que le Soleil n’avait pas encore complètement remplacé la Lune dans le cœur de ce peuple qui opérait une transition vers l’agriculture et un mode de vie plus sédentaire…

Pour plus de précisions sur le sujet abordé ici je rappelle quelques références ci-après avec notamment le livre de John North (en anglais), ainsi que l’article de Lionel Sims qui suit une approche complémentaire à la vision « astronomique » en considérant également un aspect plus « anthropologique ». Cet article de Lionel Sims comporte un grand nombre de références sur ces questions. Vous trouverez également une liste de documentaires dans la bibliographie de mon roman Si J’avais le Temps… ou sur mon site.

Et bien sûr je ne saurai que trop vous conseiller d’aller visiter Stonehenge et les sites qui l’entourent…

Références  

Cleal R.M.J., Walker K.E., et Montague R., 1995, “Stonehenge in its Landscape: Twentieth-century Excavations”. English Heritage

North J., 1996, Stonehenge: Neolithic Man and the Cosmos.

Sims L., 2006, The ‘Solarization’ of the Moon : Manipulated Knowledge at Stonehenge, Cambridge Archaeological Journal 16 (2) 191-207

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Les bâtisseurs de Stonehenge et la Lune – 2ème partie

Les bâtisseurs de Stonehenge avaient-ils repéré dans le ciel le mouvement associé à la précession de la Lune.

La Lune, cette toupie

<- Lire la 1ère partie

Avant d’aller plus loin, il faut rappeler une particularité du comportement de nos deux luminaires dans le ciel au cours des mois et de l’année.

Le Soleil

S’il est vrai que le Soleil à midi sous nos latitudes pointe au Sud, la position de son lever à l’Est et celle de son coucher à l’Ouest se déplacent sur l’horizon du Sud au Nord quand on avance de l’hiver vers l’été, puis du Nord au Sud lorsqu’on repart vers l’hiver. C’est l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre (d’environ 23 degrés) sur l’écliptique qui conduit à ce mouvement de balancier. Au solstice d’hiver le Soleil atteint sa position la plus australe sur l’horizon et marque un temps d’arrêt avant de se déplacer dans la direction opposée jusqu’à sa position la plus boréale au solstice d’été. Trois à quatre jours avant et après les solstices le déplacement du Soleil sur l’horizon est fortement ralenti si bien qu’il donne l’impression de faire du sur place. C’est de là que vient le nom de solstice, c’est-à-dire soleil stationnaire (latin soltitium, de sol soleil, status, de stare s’arrêter). Les solstices devaient représenter pour nos ancêtres le jour où l’année changeait de direction.

La Lune

A l’instar du Soleil, l’orbite lunaire n’étant pas dans le plan équatorial (inclinaison d’environ 5 degrés par rapport au plan de l’écliptique) un phénomène de balancier pour les lever et coucher de la Lune se produit mais à l’échelle du mois sur une durée d’environ 27,3 jours, la durée nécessaire à la Lune pour faire le tour de la Terre. Quand la Lune arrive à l’une de ses positions extrêmes sur l’horizon au cours du mois avant d’inverser son mouvement, on parle de lunistice (bien que contrairement au Soleil elle ne marque pas de temps d’arrêt pour repartir aussitôt). Mais l’amplitude de ce mouvement de balancier n’est pas constante à cause de la précession de l’orbite lunaire dont l’inclinaison par rapport à la Terre passe d’une valeur extrême à l’autre en 9,3 années (l’axe de l’orbite lunaire représenté par la flèche rouge sur le schéma A décrit dans le temps un cône rappelant le mouvement de l’axe d’une toupie en rotation). En conséquence l’amplitude du mouvement de balancier de la Lune sur l’horizon augmente au cours du temps entre son amplitude minimum et son amplitude maximum, avant de diminuer à nouveau, le cycle complet étant achevé en 18,6 années environ. Lorsque cette distance sur l’horizon entre la position la plus boréale et la plus australe de la Lune est la plus petite, nous parlons de station minimum ; et lorsqu’elle est la plus grande, de station maximum…

Précession de l'orbite lunaire
Schéma 3 : Mouvement de précession de l’orbite lunaire sur une demi-période de 9,3 années environ. La déclinaison D de la Lune (angle entre le plan de l’équateur et celui de la Lune) varie de 18° à 28° environ pour ses positions les plus extrêmes. 

Évolution de la position des levers et couchers de la Lune et du Soleil sur l'horizon
Schéma 4 : vue horizontale des positions extrêmes du coucher et lever du Soleil d’un solstice à l’autre, et de la Lune pour les stations minimum et maximum.

C’est cette particularité propre à la Lune qui donne une réponse à la question soulevée plus haut, une particularité qui se retrouve en effet inscrite dans le choix de l’orientation et du design de Stonehenge : en plus d’intercepter le coucher du Soleil par la porte du trilithe central au Solstice d’hiver, la structure visait la Lune par la lucarne à sa descente ce même jour lorsque sa trajectoire se trouvait dans sa station minimum[North J., 1996, Stonehenge: Neolithic Man and the Cosmos]. Les bâtisseurs de Stonehenge avaient donc repéré les propriétés du mouvement que notre satellite naturel adopte sur une période de 18,6 ans depuis au moins la deuxième moitié du troisième millénaire avant Jesus-Christ (phase 3ii dans la séquence de Cleal)  et chose plus remarquable encore : au Solstice d’hivers de l’année correspondant à la station minimum c’est la nouvelle Lune qui passe au niveau de la lucarne, donc par définition une Lune qu’on ne voit pas. Outre le symbolisme d’une Lune invisible et souveraine à Stonehenge siégeant au-dessus du Soleil tous les 18,6 ans avant de plonger dans les entrailles de la Terre pour la nuit la plus longue de l’année, ce sont les talents d’ingénierie et le pouvoir d’abstraction de ces architectes que révèle cette merveille du Néolithique. En effet, comment orienter un monument sur un repère invisible ?

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Les bâtisseurs de Stonehenge et la Lune

J’ai voulu en introduction à mon blog axer ce premier post autour de Stonehenge qui représente un point clef dans mon roman « Si j’avais le Temps… » puisque c’est vers ce site mégalithique de la plaine de Salisbury à 140 km à l’ouest de Londres que les évènements conduiront Laurent DEUSK dans sa quête et que ses mystères lui seront révélés.

Première partie : la « porte » et la « lucarne »

Premier contact

La littérature fourmille d’études sur cette Merveille du Néolithique mais également sur son très riche environnement dont elle est indissociable et qui lui-même a été revisité lors d’une large étude conduite dans le cadre du Stonehenge Hidden Landscapes Project démarré en 2010. De nombreux documentaires ont également été produits autour des découvertes réalisées (je vous invite à retrouver des liens dans la section bibliographique du site de l’auteur), sans compter les thèses plus ésotériques inhérentes à la nature même de cette structure et que je suis venu compléter par mon histoire. Mais pour en rester à des théories plus officielles, mon roman étant ancré sur la notion du temps j’ai décidé de revenir ici sur un passage concernant la Lune.

J’ai eu la chance de pouvoir me rendre à Stonehenge en Décembre 2009 aux alentours du solstice d’hiver. Ce solstice n’est pas celui qui rassemble le plus d’adeptes des mouvements néodruidiques, « new age », ou hippies (j’en oublie peut-être) qui viennent célébrer le Soleil à son lever au jour le plus long de l’année, mais bien le solstice correspondant à la nuit la plus longue. Si la dernière portion de « l’Avenue » qui mène à Stonehenge est orientée sur le Nord-Est vers le lever du Soleil le 20 ou 21 mars, le monument en lui-même semble indiquer de manière précise une autre direction et si on regarde dans l’autre sens 6 mois plus tard au moment du coucher du  Soleil les intentions des architectes de ce monument semblent mieux définies.

La photo ci-après que j’ai prise lors de ma visite donne une idée de ce à quoi devait ressembler la partie centrale du site à son âge d’or vers le début du deuxième millénaire avant Jésus-Christ. Cette représentation correspond à la phase dite 3v selon la classification de Cleal [Cleal R.M.J., Walker K.E., et Montague R., 1995, “Stonehenge in its Landscape: Twentieth-century Excavations”. English Heritage] du monument telle qu’on pouvait l’approcher par la dernière portion de « l’Avenue » qui relie la rivière Avon à Stonehenge, en avançant dans la direction sud-ouest.

Stonehenge vue d'artiste
Photo 1 : Vue d’artiste de Stonehenge en phase 3v (classification de Cleal). Photo prise sur le panneau de présentation à l’entrée du site en 2009 (les pierres les plus imposantes sont celles dénommées Sarcen, les pierres dites bleues étant les plus petites situées entre la coronne extérieure de Sarcen et les trilithes de Sarcens au centre, ainsi que celles à l’intérieur des trilithes).
A l’époque où je m’y suis rendu, j’avais emprunté depuis Amesbury la Stonehenge road jusqu’à la A303 qui faisait plus loin la jonction avec la A360 (ou son prolongement). J’avais longé les grilles du site sur ma gauche en suivant cette route. L’accès se faisait par la droite de la route qui offrait un passage sous terrain vers le site. Les aménagements étaient assez sommaires.
Le site a depuis été réaménagé avec un accueil par le nouveau centre des visiteurs ouvert en Décember 2013. Je n’ai pas eu l’occasion d’y retourné depuis mais les photos donnent une impression plus en adéquation avec la majesté de Stonehenge.

Représentation en vue aérienne de l'Avenue de Stonehenge
Schéma 1: Représentation en vue aérienne de l’Avenue en pointillés rouge qui reliait Stonehenge à la rivière Avon.
Sont dessinés sur la carte le tracé actuel de la A303 et celui de la Stonehenge Road qui relie l’A303 à Amesbury (hors du cadre). Cette photo est récupérée et adaptée de l’article dédié à Stonehenge sur Wikipédia (Photo “Plan de la zone archéologique de Stonehenge”).

Description du site

L’ensemble était constitué d’un cercle extérieur de 30 blocs imposants de grès, nommés Sarsens, avec un diamètre d’environ 32 mètres, et d’une rangée concentrique de 59 ou 60 pierres dites bleues, de plus petite taille, entourant à son tour cinq trilithes de sarsens encore plus imposants. Ces cinq trilithes sont disposés suivant le plan d’un fer à cheval autour d’une rangée supplémentaire de 19 pierres bleues au centre qui reproduisent la même forme. La taille des trilithes augmente depuis les deux situés au premier plan vers le trilithe central qui domine la structure. De même les pierres bleues disposées dans l’espace délimité par les trilithes voient leur taille augmenter depuis celles situées aux extrémités vers celles situées dans l’axe. Les blocs de sarsens mesurent jusqu’à 6 mètres de haut et pèsent jusqu’à 45 tonnes. Légèrement effilés vers le haut, ils comportent une pointe en leur sommet prévue pour emboîter des linteaux. Les blocs de sarsens extérieurs supportaient initialement une couronne de linteaux formant un cercle à niveau (à 17 centimètres près) malgré la pente du sol qui monte d’un demi-mètre sur la distance correspondant au diamètre du cercle extérieur.

Des pierres sarsen qui l’entouraient, 17 se tiennent debout encore aujourd’hui. Six linteaux sont en place dont 3 qui forment un arc de cercle, les autres dessinant des « portes » isolées. Des cinq trilithes disposés en fer à cheval au centre, trois ont résisté aux siècles. Les deux restants, dont celui situé sur l’axe principal, ne sont plus qu’une pierre levée. Quelques pierres bleues continuent de se dresser mais la plupart sont soit tombées soit ont disparu…  

Une dimension cosmique ?

Au solstice d’hivers, une personne placée près de la « Heel stone », ou pierre talon, qui borde l’Avenue voyait le Soleil se coucher dans l’axe de la structure en passant juste à gauche de la seule pierre Sarsen du grand trilithe central encore debout aujourd’hui (visible avec sa pointe qui dépasse sur la photo prise depuis la « Heel » Stone). À l’âge d’or de Stonehenge les Sarsens étaient disposées de telle sorte que l’ensemble de la structure vue depuis la pierre talon formait un mur opaque offrant uniquement une ouverture dans l’axe du grand trilithe central. C’est cette ouverture que les rayons du Soleil couchant empruntaient pour transpercer Stonehenge de part en part avant que le jour ne disparaisse sous terre. Mais pour être plus précis il y avait deux ouvertures : initialement le grand trilithe au centre dominait par sa taille l’ensemble, si bien que la ligne des linteaux du cercle extérieur coupait horizontalement le vide intérieur du trilithe dessinant une « porte » en dessous des linteaux et une « lucarne » au-dessus comme représenté dans le schéma suivant. Mais le plus intéressant est que le Soleil ne passait qu’à travers la porte avant de se coucher au solstice d’hiver. Alors pour qui était prévue la lucarne ? C’est là que pourrait entrer en scène la Lune…

Le grand trilithe central de Stonehenge
Schéma 2 : Vue d’artiste de la partie centrale de Stonehenge depuis la pierre talon au premier plan à gauche (phase 3ii à 3vi de la classification de Cleal). Devant le trilithe figurent les pierres sarcen de la couronne extérieure coiffées de leurs linteaux dessinant une lucarne au-dessus et une porte en-dessous dans l’espace intérieur du trilithe.

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